FOCUS : Mobilité professionnelle : La résilience des travailleurs et des territoires face aux chocs

Par Charlie Joyez, Maître de conférences en Sciences économiques
 

L’analyse de l’hétérogénéité des acteurs et des phénomènes économiques est au coeur de l’axe Hétérogénéité, Compétitivité et Croissance (HCC). Ainsi, certains de nos membres se sont intéressés plus particulièrement à l’hétérogénéité sur le marché du travail, en étudiant le potentiel de reconversion professionnelle des individus en fonction de leurs professions, et leur adaptation face à différents chocs économiques récents.
Plus particulièrement cette thématique a fait l’objet d’une une convention avec pôle emploi, détaillant la résilience du marché du travail au niveau localisé des zones d’emplois en France. Un second projet porte sur l’analyse micro-économique de ce potentiel de mobilité professionnelle afin de déterminer quels sont les profils concernés et les avantages que cela leur confère.

Participants et financements

  • Catherine Laffineur (UCA GREDEG CNRS, maitre de conférences), Charlie Joyez (UCA GREDEG CNRS, maitre de conférences) et Flora Bellone (UCA GREDEG CNRS, Professeur des universités). Projet « Territoire et Chômage, quels sont les emplois vulnérables et les facteurs de disparité territoriale » Convention 19POE001FRCHX - Pôle Emploi- GREDEG
  • ·Raja Kali (Sam M. Walton College of Business University of Arkansas, Professor)

Depuis le début des années 2000, de nombreux chocs d’ouverture commerciale (entrée de la Chine à l’OMC en 2001), de crises financières (2008-2009), ou encore de progrès technique - sans parler de la pandémie actuelle – ont eu des effets très contrastées sur l’emploi en France et dans les autres pays développés, favorisant une polarisation du marché du travail à travers de profonds changements dans la structure de la demande de travail des entreprises. Si ces effets sont bien documentés, ces chocs ont eu des conséquences très disparates sur le taux de chômage notamment entre régions, et entre activités économiques. L’objectif de ces travaux est de comprendre ces différentes conséquences sur le chômage en analysant le potentiel de reconversion économique des individus concernés par des chocs de demande de travail adverses.

Pour déterminer le potentiel de reconversion professionnelle des occupations (définies par les Professions et Catégories Socioprofessionnelles 4-digits de l'INSEE), nous avons retracé les trajectoires professionnelles d’un échantillon représentatif de la population active française entre 2003 et 2015 en utilisant les bases panel des Déclarations Administratives de Données Sociales (DADS), et construit un réseau des 304 occupations, reliées par la probabilité de changement de l’une à l’autre. De ce réseau nous déterminons deux indicateurs : un indicateur de centralité au niveau des occupations, reflétant le potentiel de reconversion professionnelle, prenant en compte la diversité et l’intensité des liens. Le second est un indicateur de relatedness, calculé par territoire, et reflétant la proximité moyenne des occupations qui y sont localisées, et donc le potentiel de reconversion local des travailleurs de la zone d’emploi.

Objectifs

Au niveau micro-économique, il s’agit de mieux comprendre les sources d’inégalités sur le marché du travail et notamment face au risque de chômage.
Au niveau localisé des territoires, nous souhaitons identifier les zones d’emploi les plus vulnérables face à d’éventuels chocs économiques, et permettre une meilleure compréhension des dynamiques de chômage localisées, à savoir pourquoi la composition professionnelle d’une région
l’expose davantage à un risque de chômage important et de longue durée, - répondant ainsi à la demande de pôle emploi à travers la convention signée.
Ces projets visent donc deux objectifs complémentaires : Le projet vise à compléter l’approche habituelle par la qualification, dont l’effet n’est ni homogène entre les secteurs, ni linéaire selon le niveau de diplôme.
En quantifiant le potentiel de reconversion professionnelle propre à chaque occupation, nous serons en mesure de mieux anticiper quelles professions sont les plus à risques de chômage faces à des nouveaux chocs, mais également de cerner les dynamiques de carrières, et les inégalités salariales en estimant un pouvoir de négociation des travailleurs dans ces métiers.
Au niveau localisé des territoires, nous souhaitons identifier les zones d’emploi les plus vulnérables face à d’éventuels chocs économiques, et permettre une meilleure compréhension des dynamiques de chômage localisées, à savoir pourquoi la composition professionnelle d’une région l’expose davantage à un risque de chômage important et de longue durée, - répondant ainsi à la demande de pôle emploi à travers la convention signée.

Travaux en cours

S’agissant des travaux en cours :

  • Joyez & Laffineur (2021) réalise l’analyse au niveau microéconomique et montre que la centralité des occupations dans ce réseau, se traduit bien par un risque réduit de chômage de longue durée et une meilleure rémunération des travailleurs, en contrôlant des autres caractéristiques socioéconomiques des employés.
  • Joyez, Laffineur et Kali (2021) répond à l’analyse localisée, et démontre que les zones d’emplois permettant une plus grande mobilité professionnelle en leur sein ont connu des trajectoires plus rapides de retour au taux de chômage d’avant crise que les autres. Cela est vérifié que le choc corresponde à une plus grande exposition à la concurrence internationale, à une intensification de la robotisation, ou bien à la crise financière de 2009.
  • C. Joyez & C. Laffineur (2021), « The Occupation Space: Network Structure, Centrality and the Potential of Labor Mobility in the French Labor Market », mimeo. French Regional Conference on Complex Systems (June 2021) C. Joyez & C. Laffineur (2021), «Occupational Relatedness and Regional Labor Market Resilience»