Réseau thématique DVS

Réseau thématique pluridisciplinaire
Déchets, Valeurs et Sociétés

 

La question des déchets est un des défis majeurs de notre siècle. Leur analyse constitue un sujet de recherche central au sein des SHS.
Nos déchets sont le miroir de nos modes de vie, et plus fondamentalement, du rapport des sociétés à leur environnement matériel et naturel. L’attention portée à ces derniers varie dans le temps et l’espace, et symbolise les valeurs de nos systèmes culturels, politiques, économiques, sociaux, territoriaux et les choix opérés par nos sociétés.

La compréhension des déchets, des processus sociotechniques permettant leur évitement, leur gestion et leur revalorisation, est un des moyens de résoudre un problème devenu aujourd’hui global et planétaire. Ces process, les pratiques et les représentations sociales associées permettent de repositionner les déchets dans les échelles de valeur des matières et des objets. Face à l’ensemble de ces questions mobilisant l’ensemble des SHS (géographie, sociologie, économie, gestion, psychologie, philosophie, sciences politiques, ethnologie, urbanisme, littérature, histoire, droit entre autres) notre réseau thématique aura pour mission de fédérer les chercheurs, favoriser les interactions entre nos différents domaines, échanger sur nos méthodes et renforcer l’interdisciplinarité.

Il s’agira, plus fondamentalement, de renforcer la visibilité des recherches menées sur les déchets en SHS dans l’espace académique tant français qu’international.

La question des déchets est au cœur de nombreux paradoxes et implique un spectre élargi d’acteurs : citoyens, consommateurs, firmes, acteurs privés et publics pour trouver des modes d’action et de coordination réduisant leurs quantités et leur impact environnemental. Force est de constater que les résultats sont très inégaux selon les pays, les modes de gouvernance, les types de déchets et les modes de valorisation de ces derniers. De la même façon, la production des déchets demeure corrélée au niveau de richesses des pays et source d’inégalités tant sociales qu’environnementales, selon des logiques d’extractivisme et les chaines de valeurs mondialisées.
Ainsi si le métal et le verre sont largement insérés dans les flux de recyclage, la question des déchets plastiques, des objets composites, des matériaux organiques, des matériaux de construction et de nombreux emballages, reste un défi majeur pour nos sociétés, de même que leur réintégration dans l’industrie (ou l’artisanat) du recyclage, en lien aux modes de consommation (donc de production de déchets).
Au niveau individuel, les habitudes de consommation, les styles de vie, les valeurs et croyances sont intimement liés à la question des déchets et de leur réduction.
Au niveau organisationnel, les modes de coordination, d’incitation de collecte et de gouvernance sont critiques pour réduire leur quantité.
Au niveau technologique, les innovations (polymères biosourcés, etc.) ou de process (nouveau système de séparation du PVC, de pyrolyse ou méthanisation, etc.) accompagnent les politiques de recyclage et créent de nouvelles sources de revenus pour certains acteurs (cf. les déchets verts pour les agriculteurs dans certains contextes).
Enfin, au niveau institutionnel, les réglementations nationales et européennes peuvent limiter les flux, les excès de la course effrénée à l’innovation technologique, contraindre l’ensemble des acteurs à prendre en compte le coût du recyclage et changer les habitudes individuelles et les routines organisationnelles.

Les déchets et leur valorisation sont toutefois un enjeu géopolitique majeur dépassant nos seules frontières. Ainsi en janvier 2018, l’interdiction de la Chine d’importer les déchets de moindre qualité (plastiques, papier, textile) et le renforcement de cette législation en 2019 sur d’autres types de polymères et de métaux, a rebattu les cartes sur l’échiquier international en créant de nouvelles opportunités pour l’économie circulaire et renforçant l’impact sur les filières nationales. Par ailleurs, les tensions, en 2022, sur le prix de l’énergie et sur les matières premières entraînent des répercussions multiples. Elles renchérissent le prix des matières vierges (pétrole pour les plastiques conventionnels par exemple) et rendent les politiques de recyclage plus attractives et nécessaires. Pour autant, le seul recyclage ne saurait à lui seul répondre aux enjeux globaux de finitude et de maîtrise des ressources, puisque celui-ci n’est jamais infini et nécessite en permanence le réapprovisionnement avec des matières vierges. De plus, l’apparence vertueuse du recyclage ouvre vers un effet rebond générant pour finir une augmentation de la consommation-matière globale. La compréhension des processus amenant à repenser la dépendance à la matérialité dans nos sociétés peut donc offrir une riche ouverture pour les recherches en SHS. Les exportations de nos déchets ont aussi un impact sur les pays importateurs, pouvant détruire l’économie circulaire locale, comme ce fut le cas pour l’arrivée de textiles « gratuits » qui a réduit l’impact des métiers traditionnels de la confection dans un grand nombre de pays africains ; ou créant d’autres types de nuisances environnementales et de santé publique dans le cas de l’incinération clandestine des déchets en Asie.
L’objectif premier de ce réseau thématique est de formaliser d’une communauté scientifique SHS sur les déchets qui puisse rayonner dans différents réseaux en France et à l’étranger et de rendre visible les recherches en sciences humaines et sociales comme n’étant pas simplement des faire-valoir d’acceptabilité sociale venant après les innovations technologiques. Au contraire, les SHS mettent en débat les enjeux sociaux, culturels, politiques, économiques, historiques et territoriaux de production, de collecte, de gestion et de réduction des déchets, pouvant ensuite éventuellement s'appuyer sur des dispositifs sociotechniques. Il est prévu que ce réseau thématique puisse évoluer et éventuellement intégrer d’autres instituts (que inSHS) tels que l’INC et l’INEE. L’objectif initial est bien de consolider les fondements SHS sur la thématique pour s’ouvrir naturellement à d’autres instituts. Cette évolution est d’autant plus plausible qu’il existe des collaborations entres chercheurs SHS et INC (équipe PRIME BIOLOOP, Prime-MITI PLASMATERR, etc, soutenues par le CNRS).
Le second objectif est de créer un collectif de recherche bien identifié, capable de mobiliser son expertise pour répondre aux défis de nos sociétés, ainsi que pour renforcer l’approche conceptuelle des études rudologiques, détritiques, l’observation des dynamiques sociales et comportementales et les mécanismes de création de valeur.
 

De manière plus générale, nos objectifs opérationnels sont les suivants :

  • 1- Construire un corpus conceptuel partagé et débattre sur nos apriori (séminaires et ateliers périodiques) notamment à travers des colloques, ateliers et doctoriales. Ce corpus viendra cimenter la communauté scientifique déjà existante de façon éparse, et sera notamment valorisé à travers un guide numérique des déchets et des restes (cf. objectif 4).
  • 2- Colloque et séminaire annuel
Un colloque annuel sera mis en place dès l’automne 2023 afin de structurer le cadre réflexif du collectif, d’identifier les recherches en cours comme émergentes et d’offrir un cadre commun de construction d’une pensée des sciences sociales autour de l’objet « déchet ». Le premier colloque est envisagé en octobre 2023 pour lancer le réseau à Nice : Colloque MSHS Sud-Est (USR 3566 CNRS/UNS/UCPP). Il sera organisé de façon tournante entre les différentes villes et universités partenaires du réseau.
(Colloque D.V.S 13,14,15 novembre 2023)
  • 3- Doctoriales
Chaque printemps notre réseau accueillera des doctoriales de rudologie. Structuré avec les doctorant.e.s des équipes membres du réseau, ce moment permettra un temps d’échange privilégié autour des thèses en cours, dans un format plus ludique et laissant toute sa place à l’innovation méthodologique. Avec la participation des encadrant.e.s de thèse, ce moment d’échange restera centré sur les travaux des doctorant.e.s.
Les premières doctoriales ont eu lieu au moment même où ce réseau se constituait, en avril 2022 au Mans. La deuxième édition des doctoriales aura lieu entre mars et avril 2023 soit à nouveau au Mans, soit à Tours. Les doctoriales seront systématiquement complétées par une réunion de travail pour l’organisation du colloque suivant.
Chaque année, le réseau thématique reproduira la même alternance d’évènements : un colloque à l’automne et des doctoriales au printemps, organisés successivement par les différentes villes partenaires. Le programme des actions à mener sur les 5 ans du projet sera établi collectivement d’après ce format.
  • 4- Réalisation d’un Guide numérique en SHS sur les restes et les déchets (voir axe 4, RHURI)
Dans un objectif de structurer les réflexions menées à l’échelle du réseau thématique, un guide numérique sera collectivement construit afin d’assembler et de compiler les connaissances et les réflexions actuelles sur l’approche des déchets par les sciences humaines et sociales. Il s’agit là d’une modalité innovante et dynamique de publication et de valorisation des résultats scientifiques. La construction de ce guide, destiné à constituer une ressource pour les chercheur.e.s comme pour les acteurs du domaine, aura lieu avec le soutien du réseau national des MSH, des équipes numériques de la Maison des sciences de l’Homme – Alsace (MISHA), de la MSH Val de Loire, en partenariat avec les MSH : Ange-Guépin, Pays de la Loire, Le Mans et Nantes ; Bretagne ; Lyon St Etienne ; Sud-Est ; Lille.

Ce guide sera alimenté par les colloques, doctoriales, projets de recherche et publications du réseau. Il sera sur, cette base de contenu scientifique, directement construit lors d’ateliers spécifiques à cet objectif. Ces ateliers seront organisés deux fois par ans, systématiquement dans la continuité du colloque d’automne et des doctoriales de printemps.
  • 5- Participation à des projets de recherche communs et montage de possibles nouveaux projets facilité par l’identification des compétences des membres
Un certain nombre de projets sont déjà en cours au niveau du lancement de différents consortiums dont les PEPR (Programmes et équipements prioritaires de recherche) en cours de signature tels que « Households Waste », « SO RRYL : A SOciety of Reuse and RecYcLing?», « Plastics » permettant de renforcer et de valoriser cette dynamique collective au sein des SHS. Cette dynamique sera perpétuée grâce à l’interconnaissance qui sera accrue entre les participants au réseau lors des évènements organisés et à travers la mise en place d’une liste de diffusion commune.
  • 6- Publications communes et participation à des numéros spéciaux issus du colloque annuel, des doctoriales et des projets de recherche collectifs. Ces publications se feront à destination d’un public français et international.
Le colloque annuel a aussi pour objectif de valoriser les dynamiques initiées dans le colloque annuel et dans les doctoriales avec la mise en place de numéros thématiques dans des revues françaises et internationales. A titre d’exemple, la REPE Review of Evolutionary Political Economy, la revue FLUX pourront être ciblées pour dans cette valorisation du travail collectif. De sessions spéciales au sein de l’EAEPE (European Association for Evolutionary Political Economy)- www.eaepe.org, et au sein de l’AISLF (Association Internationale des Sociologues de Langue Française) entre autre communauté scientifique pour prolonger la dynamique française. Une insertion, déjà forte de la part de nombreux membres du réseau, dans les dynamiques de recherche et de publications internationales déjà existantes, sera encouragée. Il s’agit par exemple de la série de colloques « Open the bin » organisés par différentes universités européennes ou encore du réseau des « discard studies ».

Pour fédérer notre réseau, plusieurs axes scientifiques ont été identifiés :


Axe 1 : Gestion des flux, aménagement du territoire
Responsables : Mathieu Durand (UMR ESO, Le Mans Université) et Muriel Maillefert (UMR EVS, Université Lyon 3)

La matérialité des déchets est le premier aspect auquel tout un chacun est confronté, dans l'espace public comme dans l'espace domestique ou professionnel. Elle s'exprime à travers les flux de déchets, leur production, leur circulation et leurs impacts, qu'ils soient environnementaux, sociaux, économiques. S'il a longtemps été pensé que cette matérialité n'était qu'un détail technique de la gestion des déchets, elle revêt aujourd'hui un intérêt nouveau au titre des notions de métabolisme territorial, de l'économie circulaire, de l'écologie industrielle ou du material turn. Cet axe de recherche confrontera la matérialité des déchets aux politiques publiques ou aux pratiques aboutissant à leur circulation et à la gestion, dans une dimension socio-territoriale marquée.


Axe 2 : Consommation, engagements des citoyens et politiques publiques
Responsables : Denis Blot (EA HM, UPJV), Ankinée Kirakozian (UMR BETA, Université de Lorraine) et Baptiste Monsaingeon (EA REGARDS, Université Champagne Ardennes)

La question des déchets se caractérise depuis une trentaine d’année par un double mouvement d’«environnementalisation » et de politisation. Dans ce contexte, cet axe examinera avec un regard pluridisciplinaire, d’une part les initiatives relevant des politiques publiques et les outils qu’elles mobilisent (réglementation, injonction, pédagogie, gouvernement des conduites et des comportements, économie des déchets, etc.) et d’autre part les initiatives citoyennes manifestant une volonté de construction d’alternatives aux modes de consommation dominants.
- Engagement, militantisme, économie, interactions, alternatives, transformations
- Espaces, pratiques et politiques d’expérimentation et de prévention des déchets,
- Réparation, seconde vie des objets, croyances rites et représentations,
- Incitation, communication, outils comportementaux


Axe 3 : Filières, trajectoires et innovations
Responsables : Pascal Grouiez (UMR LADYSS, Université Paris Diderot) et Emmanuel Kessous (UMR LISIS, AgroParis tech)

L’objectif est de définir des modes d’action et de coordination réduisant la quantité et l’impact environnemental des déchets dans une perspective de chaîne de valeur globale. Cette dernière permet de mettre l’accent sur les interactions entre une diversité d’acteurs aux pouvoirs inégaux (PME, FMN, ONG, Etats) dans le processus d’organisation de la gestion des déchets et de développement de technologies innovantes permettant d’ancrer les industries dans des modèles d’économie circulaire. Il s’agit d’observer les stratégies mises en oeuvre dans le traitement des déchets, qui peuvent s’inscrire dans des logiques d’acteurs (industriels, acteurs publics) globalisées très éloignées des objectifs premiers de recyclage et de circularité. Il en résulte que les instruments publics (subventions, politiques réglementaires) ou privés (brevets, R&D, alliance, etc.) du recyclage, s'ils contribuent à construire effectivement des chaînes de valeur intégrant des dimensions de recyclage des déchets, ne le font pas uniquement dans une vision écologique.
- Innovations, brevets, réglementation, nouvelles formes de valorisation des déchets
- Economie circulaire, cycle de vie, scénarios sur les politiques de recyclage
- Filières et commerce international des déchets
 

Axe 4 : Axe transversal RHURI - Restes d'Humanités.
Responsables : Isabelle Hajek (SAGE, Université de Strasbourg), Claudia Cirelli (CITERES, Université de Tours)

Cet axe transversal RHURI (Restes d’HUmanités : Réseau Interdisciplinaire et inter-MSH) prévoit la réalisation d’un Guide numérique des études en SHS sur les restes & les déchets en collaboration avec le RnMSH, la MISHA, la MSH VDL, et 5 autres MSH (MSH Bretagne, MESH Lille, MSH-Sud-Est Nice, MSH Anges Guépin et MSH Lyon St-Etienne). Il s’appuiera sur les rencontres et travaux des 3 autres axes du Réseau thématique CNRS, ainsi que sur les nombreux travaux menés sur la thématique dans l’espace académique français, dans l’objectif de donner une visibilité d'ensemble et ouvrir de nouvelles perspectives de recherche face à l'essor des discard studies sur le plan international. Le modèle proposé du Guide est celui d’un dictionnaire, disponible en ligne pour un vaste public et dynamique par la variété des supports utilisés. Ce Guide sera composé d'articles de fonds et de réflexion synthétiques (sous forme de notices à l'image d'un dictionnaire) auxquels seront associés d'autres types de supports (images, vidéos, extraits d'entretiens, liens vers d’autres ressources) afin d'offrir différentes formes de diffusion et appropriation des savoirs en SHS sur les restes/déchets. La construction de ce guide numérique s’appuiera sur l’élaboration d’un plan de gestion des données numériques (avec les équipes numériques de la Maison Interdisciplinaire des Sciences de l’Homme - Alsace (MISHA) et de la Maison des Sciences de l’Homme Val de Loire (MSH VDL), dans la perspective d’une mise en ligne sur la plateforme HUMA-NUM. Les ateliers, qui seront organisés chaque année dans le cadre du présent Réseau thématique, auront donc vocation à : constituer un comité scientifique propre au Guide ; faire l'inventaire des entrées couvertes par les membres du Réseau thématique et celles à investiguer ; définir l’architecture du Guide, le nombre de notices et de supports ; permettre la formation des groupes de travail et des membres de l’axe aux Humanités numériques afin de faciliter la réalisation du Guide et sa prise en main éditoriale. Un outil d’éditorialisation et de mise en ligne sera conçu par un ingénieur travaillant sur le projet (voir budget consacré pour des « vacations numériques ») suivant les besoins définis lors des ateliers par les chercheurs du Réseau thématique, en collaboration avec les équipes des plateformes technologiques de la MISHA et de la MSH Val de Loire.

Enfin notre réseau thématique a pris contact avec le GDR ReMarch Recyclage et remploi des matériaux de l'architecture aux périodes anciennes (GDR 2063 du CNRS) dirigé par Philippe Dillmann, Philippe Bernardi et Maxime L’Héritier pour coordonner de potentielles actions communes à moyen terme sous la forme d’un séminaire commun.
La gouvernance reflète le caractère pluridisciplinaire de notre réseau et la volonté de ne pas rester sur son domaine (cf. la présentation des axes ci-dessus dont les responsables reflètent cette diversité).

Gouvernance du Réseau :
Directrice : Nathalie Lazaric
Directeur adjoint : Mathieu Durand
Directrice adjointe : Isabelle Hajek