Soutenance de thèse de Mme Marta BALLATORE

Cette thèse propose de mieux comprendre le(s) rôle(s) de la technologie blockchain (ci-après, BCT) dans les relations inter-organisationnelles, et plus particulièrement dans le contexte de processus de servicisation digitale (ci-après, DS). Dans un monde où les objets du quotidien sont ‘augmentés’ par des services numériques, la donnée devient un actif clé. Une meilleure gestion des données passe nécessairement par la transformation des interactions entre les organisations. Les entreprises sont ainsi confrontées à des défis sans précédent, posés par de nouveaux enjeux de coopération et de coordination, pour lesquels les mécanismes de gouvernance contractuels et relationnels traditionnels ne sont pas adaptés. Face à ces changements, la BCT se révèle une solution alternative aux mécanismes de gouvernance existants, en raison notamment de son caractère décentralisé et infalsifiable. Jusqu’à présent, le(s) rôle(s) des technologies numériques dans la mise en place de processus de servicisation digitale ont été relativement peu explorés, même si la littérature récente en management des systèmes d’information les précise dans un contexte intra-organisationnel. En revanche, le niveau inter-organisationnel est largement ignoré dans la littérature. Cette thèse vise à combler cette lacune en répondant à la question de recherche suivante : “Comment la technologie blockchain participe à l’évolution de la gestion des données en vue de la servicisation digitale ?”. Sur le plan empirique, la thèse se focalise sur le cas de de l’industrie automobile, au sein de laquelle le processus de servicisation est déjà à l’œuvre. Sur les plans théorique et méthodologique, elle se caractérise par une approche « multi-paradigmes » dans la mesure où elle combine des cadres théoriques et méthodologiques différents mais complémentaires pour évaluer le potentiel de la BCT dans la gestion des données produites par des véhicules connectés. Cette approche se décline autour de trois études qui s’alimentent mutuellement. La première privilégie la démarche expérimentale dans l’optique de mieux saisir le rôle de la BCT dans l’amélioration de la coopération inter-organisationnelle. La deuxième s’inscrit dans une démarche plus qualitative, l’objectif étant de recenser et d’analyser les initiatives existantes en matière de BCT pour faire émerger des archétypes de coordination inter-organisationnels. La troisième retient une démarche de type Design Science et débouche sur le développement d’un prototype d’architecture BCT assurant la cohérence entre les exigences inter-organisationnelles et organisationnelles d’une part, et le potentiel de cette technologie, d’autre part. Ces trois dimensions de la réflexion sont articulées pour contribuer à la fois à la littérature sur les DS et les BCT dans le champ du management des systèmes d’information, tout en proposant une approche méthodologique plurielle. Ce travail de thèse permet de formuler deux types de résultats. D’un côté, le potentiel de la BCT permet de réduire le besoin de gouvernance relationnelle. D’un autre, la BCT engendre des conséquences inattendues, en réduisant le niveau de coopération précédemment établi ou en devenant, selon les cas, un simple outil de contrôle. Pour relever ce défi, la thèse montre la pertinence d’une catégorie émergente de BCT (multi-BCT) favorisant la décentralisation dans l’échange de données, tout en ménageant un degré d'autonomie des organisations en matière stratégique et opérationnelle.